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Et si on écoutait les traditions du monde pour prendre soin des jeunes mamans ?

Regardons plus loin que le bout de notre nez


La grossesse n’est pas seulement une étape biologique. C’est un passage, une traversée, une transformation intime. Dans toutes les cultures, les sociétés humaines ont inventé des manières de préparer les femmes à devenir mères : à travers des rituels, des gestes, des objets, des chants.

Ces traditions ont une fonction précise : protéger, entourer, rassurer. Elles nous rappellent qu’avant d’accueillir un enfant, on devrait d’abord prendre soin de celle qui va le mettre au monde.

Et si l’on prenait un moment pour les écouter ? Pour voir ce que ces savoirs peuvent encore nous enseigner ?


Le Chilla au Maghreb : quarante jours pour se relever

Dans plusieurs pays du Maghreb, une tradition profondément ancrée accompagne la jeune mère après l’accouchement : la Chilla (ou Chella, parfois appelée arbaïn nfass au Maroc, "quarantaine du post-partum"). Cette période, souvent transmise oralement, dure quarante jours, et vise à protéger la femme dans une phase jugée vulnérable.

Pendant cette quarantaine, on limite ses sorties, on veille à ce qu’elle se repose, on lui prépare des plats chauds (comme le rfissa), des infusions de plantes (fenugrec, anis), et on la soulage de toute activité physique. On croit aussi que cette période est chargée spirituellement, et que des règles doivent être suivies pour préserver l’équilibre physique et psychique de la mère.

"La quarantaine est pensée comme un sas de réparation, mais aussi de protection symbolique pour éviter le ‘vent’ ou les ‘djinns’" explique la chercheuse F. Bensaïd dans ses travaux sur les pratiques périnatales au Maroc¹.

Le Zuo Yue Zi en Chine : un mois de repos profond

En Chine, le Zuo Yue Zi signifie littéralement “s’asseoir pendant un mois”.

La nouvelle mère reste chez elle pendant 30 jours, parfois davantage, sous la surveillance bienveillante d’une nourrice expérimentée (yuesao). Elle évite les courants d’air, les bains froids, les visites stressantes. Elle se concentre sur sa récupération.

On lui prépare des bouillons, des plats chauds, des tisanes médicinales. Le principe est simple : restaurer le corps, équilibrer l’énergie, protéger la santé mentale.

Une enquête de la Shanghai Health Commission (2019) indiquait que 6 femmes sur 10 en zone urbaine continuent de suivre ce rituel³.

Les centres de soin post-partum en Corée du Sud : le luxe du repos

En Corée du Sud, les femmes ne rentrent pas immédiatement chez elles après l’accouchement.

Elles peuvent séjourner dans des postnatal care centers, appelés Sanhujoriwon. Ces centres, à mi-chemin entre hôtel et centre de soin, offrent des services spécialisés : soins corporels, nutrition adaptée, accompagnement émotionnel, encadrement médical, chambres calmes avec personnel formé.

En 2021, plus de 75 % des femmes coréennes ayant accouché ont séjourné dans l’un de ces centres⁶, souvent pour une durée de 2 à 3 semaines. Ces lieux, bien que coûteux, sont fortement ancrés dans les attentes culturelles contemporaines, et reconnus pour prévenir l’épuisement maternel.

"Les Sanhujoriwon incarnent une vision moderne mais centrée sur la même idée ancienne : une femme qui donne la vie a besoin d’être soignée", analyse le sociologue J. H. Kim dans une étude de 2020⁷.

Le Blessingway chez les Navajos : bénir la future mère

Tradition des peuples Navajo, le Blessingway est un rituel d’encouragement, souvent célébré pendant la grossesse. Ce n’est pas une baby shower. Il n’y a pas de cadeaux à offrir au bébé, mais des gestes symboliques pour soutenir la femme.

On lui tresse les cheveux, on lui offre une perle pour créer un collier, on entonne des chants, on partage des récits. Ce moment lui rappelle qu’elle n’est pas seule. Qu’elle est entourée. Qu’elle est forte.

L’anthropologue Robbie Davis-Floyd le décrit comme “un espace de puissance douce où la femme est honorée dans son passage vers la maternité”⁴.

Le Sutika Kala en Inde : 42 jours de réparation

En Inde, la période qui suit l’accouchement s’appelle le Sutika Kala. Elle dure environ six semaines.

La mère est prise en charge quotidiennement par des proches, parfois des professionnelles formées. Elle reçoit des massages ayurvédiques, des bains chauds aux plantes médicinales, une alimentation spécifique.

Cette tradition vise à réparer en profondeur, sur le plan physique, mais aussi émotionnel. Car donner la vie, c’est aussi s’en remettre.

Selon les textes ayurvédiques, ces 42 jours sont essentiels pour rééquilibrer les “doshas” du corps et prévenir les maladies futures (Sharma, 2010)⁵.

Une intention universelle : prendre soin de la femme, pas seulement de la mère

Toutes ces pratiques disent la même chose : une femme enceinte ou qui vient d’accoucher ne devrait jamais être laissée seule dans sa traversée.

Elles ne parlent pas seulement de repos. Elles parlent de reconnaissance. De lien. De protection.

À l’inverse, dans nos sociétés modernes, le suivi médical est souvent centré sur le bébé : échographies, examens, mesures, suivi pédiatrique.

Mais combien de femmes ont le sentiment que personne ne leur demande comment elles vont, elles ?


C’est dans cet esprit que la Ninni Box est née

Nous avons voulu créer un espace de soin symbolique. Un espace doux, multiculturel, enveloppant.

Chaque box est pensée comme un petit cocon dans lequel on murmure à l’oreille des femmes : tu comptes. Tu mérites, toi aussi, qu’on veille sur toi.

Ce n’est pas une tradition que l’on copie. C’est un écho, une invitation à reprendre les fils de ce que les cultures n’ont jamais oublié :

qu’il faut du soin, de la chaleur, de la présence pour devenir mère.

Chez Ninni, on croit que la douceur est un soin.

Et que dans un monde qui surveille le bébé, il est urgent d’apprendre à veiller sur la mère.

Sources

  1. Bensaïd, F. (2007). La symbolique du post-partum au Maroc : transmission, interdits, et soins. CNRS Editions.
  2. Chang, S. R. et al. (2014). "The experience of Chinese postpartum women", Journal of Clinical Nursing.
  3. Shanghai Health Commission (2019). Maternity Practices in Urban China.
  4. Davis-Floyd, R. (2003). Birth as an American Rite of Passage, University of California Press.
  5. Sharma, H. (2010). Ayurveda: Life, Health and Longevity, Penguin Books.
  6. Statistics Korea (2021). Survey on Childbirth and Postnatal Care Use.
  7. Kim, J.H. (2020). Postnatal Care in South Korea: Cultural Meaning and Institutional Practice, Seoul National University Press.

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